Comment faire face à un deuil ?

Le Processus de Deuil et les thérapies brèves  

 

Qu’est  qu’un deuil, Définition et limites ?

 

Le deuil, défini comme la période où l’expérience émotionnelle est affectée par une perte significative, est une expérience universelle. Toutefois, l’approche culturelle occidentale tend à favoriser un deuil perçu comme court et « efficace », encourageant un retour rapide à la vie sociale et à la productivité. Lorsqu’un deuil affecte sévèrement le fonctionnement d’un individu et s’éternise, il est souvent perçu comme pathologique. Cette tendance au pragmatisme a conduit à une surreprésentation des écrits scientifiques sur le deuil pathologique par rapport au deuil résilient.  

 

Face à cet impératif de résolution, la Thérapie Brève (TB) émerge comme un cadre d’intervention particulièrement pertinent. Une thérapie brève est définie comme une approche psychologique visant à résoudre des troubles spécifiques sur une courte période, utilisant une méthode spécifique centrée sur la solution (le « comment » plutôt que le « pourquoi »). L’École de Palo Alto, par exemple, suggère qu’une problématique précise peut être résolue sur environ une dizaine de séances. Le présent rapport vise à analyser comment les fondements stratégiques et orientés solution de la TB s’alignent avec les conceptualisations modernes du deuil, qui mettent l’accent non pas sur des étapes passives, mais sur des processus dynamiques et des tâches d’adaptation actives.

 

Le Deuil : La Critique des Modèles Linéaires et par Étapes

 

Historiquement, la conceptualisation du deuil a été dominée par des modèles linéaires ou par étapes, tels que le modèle de Kübler-Ross (déni, colère, marchandage, dépression, acceptation).

 

Bien que ces modèles aient eu une influence culturelle notable, ils sont largement remis en question dans le champ de la thanatologie contemporaine et ne sont pas considérés comme empiriquement valides pour décrire l’évolution du deuil normal ou résilient.  

 

La difficulté fondamentale réside dans la confusion théorique entre le deuil résilient et le deuil pathologique. Le deuil sévèrement douloureux ne constitue qu’une minorité des cas (environ 10 à 15 %). La tristesse, une émotion jugée utile et adaptative au deuil résilient, est mal différenciée de la détresse et de la dépression, qui sont des conséquences du deuil pathologique. Une intervention efficace doit donc se baser sur des cadres qui reconnaissent la complexité et la non-linéarité de l’adaptation, tout en fournissant des objectifs clairs et malléables.  

 

L’approche du Deuil selon William Worden

 

Le modèle de William Worden offre une alternative active aux modèles par étapes, définissant le deuil non pas comme un état à subir, mais comme un « travail » structuré autour de quatre tâches cognitives et comportementales. L’accomplissement de ces tâches permet une intégration progressive de la perte et une adaptation à un monde différent.  

 

Les quatre tâches fondamentales sont :

  1. Reconnaître la réalité du décès.
  2. Vivre toutes les émotions qui font suite à la disparition (travailler la douleur du deuil).  
  3. S’adapter à un environnement sans le défunt (développer de nouveaux rôles, ajuster l’efficacité personnelle et la vision du monde).  
  4. Relocaliser émotionnellement le défunt et continuer à vivre (transformer le lien plutôt que le rompre).  

 

Ce modèle est naturellement compatible avec la Thérapie Brève (TB) car il fournit des objectifs d’intervention précis et mesurables. Le clinicien en TB peut évaluer quelle(s) tâche(s) est/sont bloquée(s) chez le client et proposer des stratégies d’intervention ciblées. Les Tâches 3 et 4, en particulier, sont intrinsèquement orientées vers la solution et l’adaptation à la nouveauté.  

 

Le Deuil « Normal » et le Trouble de Deuil Prolongé (TDP)

 

Le deuil est un processus naturellement douloureux, impliquant des symptômes intenses tels que la tristesse profonde, l’insomnie, la fatigue, la difficulté de concentration et la perte d’appétit. Pour la majorité des deuils, classés comme résilients ou non compliqués , une guidance ou un soutien psychoéducatif suffisent.  

Cependant, la TB est particulièrement indiquée lorsque le deuil est « bloqué » par des tentatives de solution dysfonctionnelles ou lorsqu’il évolue vers une forme pathologique. La nécessité d’un diagnostic différentiel précis est cruciale, car une intervention longue sur un deuil normal risque de pathologiser une réaction saine. Inversement, un deuil compliqué nécessite un protocole structuré que le simple soutien ne peut fournir.  

 

Identification du Trouble de Deuil Prolongé (TDP)

 

Le Trouble de Deuil Prolongé (TDP), également connu sous le nom de Persistent Complex Bereavement Disorder, est une entité nosographique reconnue dans les classifications internationales (CIM-11, DSM-5-TR). Le TDP touche environ 7 à 10 % des adultes endeuillés.  

 

Critères de Diagnostic Pertinents pour la TB :

Le TDP est caractérisé par des préoccupations intenses par rapport au décès, un sentiment de solitude important, et une confusion identitaire qui persistent au-delà du temps normal d’adaptation (généralement 6 à 12 mois).  

L’évaluation de cette complexité est facilitée par des outils comme l’Inventory of Complicated Grief (ICG). L’ICG évalue des indicateurs de deuil pathologique, incluant la colère, l’incrédulité, les hallucinations du défunt, le sentiment que la vie est vide, l’amertume et les tentatives d’évitement des rappels de la perte. Un score ICG supérieur à 25 est associé à une détérioration significative du fonctionnement social, mental et physique. La présence de ces indicateurs, notamment lorsque le deuil est aggravé par des éléments traumatiques (perte violente) , justifie l’orientation vers des protocoles de thérapie brève structurée et ciblée.  

 

Le Choix Thérapeutique adapté

 

La détermination du type de deuil oriente directement la stratégie d’intervention. Pour le deuil traumatique ou compliqué, des approches brèves, structurées et fondées sur des protocoles, se révèlent indispensables. La thérapie EMDR (Désensibilisation et Reprogrammation par les Mouvements Oculaires) est particulièrement indiquée et validée par des instances sanitaires (OMS, INSERM) pour le traitement des états de stress post-traumatiques. Dans les cas de deuil traumatique (perte brutale et imprévisible), l’EMDR permet de désensibiliser la blessure psychique et les symptômes post-traumatiques qui interfèrent avec le travail psychologique de deuil. Des études ont montré une réduction significative des scores de détresse traumatique (ITG) après seulement quelques séances d’EMDR.  

L’approche brève permet ainsi de cibler la complication (trauma, blocage stratégique) sans s’engager dans une thérapie exploratoire longue. Cette focalisation est essentielle pour dénouer le mécanisme qui maintient la souffrance.

 

Efficacité des Approches Brèves Structurées

 

L’efficacité des psychothérapies est un domaine de recherche dynamique, bien que l’évaluation soit compliquée par l’hétérogénéité des échantillons de deuil (qualité de la relation, anticipation, temps écoulé depuis le décès). Néanmoins, les données cliniques, souvent issues de méta-analyses, soulignent la robustesse des approches structurées et brèves.  

Les analyses comparatives suggèrent que les Thérapies Cognitivo-Comportementales (TCC) structurées montrent une efficacité supérieure par rapport aux approches psychodynamiques brèves non protocolisées pour certains troubles. Dans le contexte spécifique du deuil pathologique, l’EMDR est reconnu comme particulièrement indiqué, notamment pour les cas de deuil traumatique. Il permet de soulager les souffrances invalidantes liées à la composante traumatique de la perte, permettant au travail de deuil normal de reprendre son cours adaptatif.  

 

Applicabilité en Contexte Spécifique : Soins Palliatifs

 

La rapidité de l’intervention brève présente un avantage logistique et clinique majeur dans les contextes de grande fragilité, tels que les soins palliatifs ou la fin de vie. Des méta-analyses sur l’effet des thérapies en fin de vie montrent que si les thérapies basées sur les plans cognitif et comportemental peuvent réduire l’anxiété et la dépression, leur efficacité est positivement corrélée au nombre de sessions complétées.  

Ce besoin d’un grand nombre de séances rend ces approches potentiellement inapplicables dans des situations réelles où le temps et l’énergie du patient sont limités. Par conséquent, il est essentiel d’opter pour des protocoles ultra-brefs, suggérant par exemple une limite de quatre séances en moins de 21 jours. Cette contrainte de faisabilité clinique renforce la pertinence des interventions brèves qui, comme le bilan de vie ou la thérapie narrative ciblée, visent à améliorer rapidement la qualité de vie et à réduire la détresse émotionnelle et existentielle.  

 

Conclusion et Perspectives Cliniques

 

La Thérapie Brève (TB), dans ses approches systémique-stratégique, orientée solution (TOS) ou protocolisée (EMDR), représente un cadre d’intervention hautement compatible avec les modèles modernes et dynamiques du processus de deuil. Ces modèles, notamment les Tâches de Worden et le Modèle à Double Processus (DPM) de Stroebe et Schut, définissent le deuil comme un processus actif d’adaptation, nécessitant des actions ciblées (Tâche 3 et 4) et une oscillation régulée entre la confrontation et la restauration.

L’efficacité clinique de la TB dépend crucialement de la précision du triage diagnostique. La majorité des deuils résilients requièrent principalement un soutien psychoéducatif, tandis que l’intervention brève s’avère indispensable pour les deuils bloqués par des tentatives de solution dysfonctionnelles ou pour les deuils compliqués par des composantes traumatiques (nécessitant alors des approches spécifiques comme l’EMDR).

Les stratégies brèves, telles que la Question Miracle, l’analyse et la prescription de tâches stratégiques, et l’utilisation de rituels thérapeutiques, permettent de cibler les mécanismes de blocage et de propulser le patient vers l’avenir, tout en normalisant le concept de Lien Continu. En se focalisant sur le « comment » changer, la TB soutient efficacement la transformation psychologique et la reconstruction identitaire, même dans des contextes exigeants comme la fin de vie. Le développement futur des interventions devra continuer à intégrer ces cadres pour une prise en charge complète et adaptée du deuil dans toutes ses manifestations.

Sources utilisées dans le rapport

 

 

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